Poursuivant
nonchalamment sa route, Mike se sentait au mieux de sa forme. Il ne pensait pas
avoir été aussi bien depuis le début de son voyage. Ses nouveaux vêtements et
son armure se mariaient parfaitement à l’endroit imposant qu’il traversait. Il
se sentait tout à fait à l’aise dans ce décor. Bien qu’il ait passé la majeure
partie de son temps depuis le départ à l’intérieur de l’une ou l’autre des
maisons rencontrées sur son chemin, il lui semblait avoir fréquenté cette route
depuis toujours. L’odeur et l’apparence des choses lui semblaient de plus en
plus familières, comme si ses souvenirs de l’ancien Mike commençaient à
s’estomper pour faire place aux attributs peu communs de cette nouvelle terre.
Il avait l’impression de plus en plus forte que ce qui l’entourait maintenant
faisait partie du connu, mais il savait pertinemment que ce n’était pas tout à
fait vrai puisqu’il visitait l’endroit pour la première fois.
Il
avait la sensation aiguë d’être habité par une autre puissance et un fort sentiment
d’appartenance. Il savait que ce sentiment récent était né des événements
survenus dans la Maison de la biologie, et le simple souvenir de Vert le
faisait largement sourire. Tout en marchant, il pensait à l’étape qu’il avait
franchie pendant son séjour dans cette maison. Que pouvait-il survenir encore ?
Il avait traversé le seuil de trois maisons seulement et se demandait quelles
autres leçons il allait apprendre.
Un
bruit derrière lui attira son attention.
Rapide
comme l’éclair, Mike se retourna vivement, se plaçant en positon de défense. Il
fut lui-même surpris de la rapidité de sa réaction. Il était penché vers
l’avant, la main sur la poignée de l’épée de la vérité. Etait-ce son
imagination ou l’épée vibrait-elle ? Toute son attention se concentra sur son
ouïe pendant qu’il se tenait là immobile, prêt à bondir au moindre
signal.
Rien.
Le
vent avait pu l’induire en erreur, mais il remarqua qu’aucune feuille ne
vibrait dans les arbres environnants. Ne bougeant que les yeux, le reste du
corps parfaitement immobile, Michael scrutait les alentours. Il réalisa tout à
coup que sa vue était très aiguisée. Elle n’avait jamais été d’une telle acuité
depuis son départ, comme si, soudainement quelqu’un avait allumé une ampoule
très brillante.
Mike
se concentra alors sur ce qu’il voyait afin de mieux examiner une immense
pierre.
Rien.
Il
comprit soudain que même s’il se sentait très à l’aise dans son nouvel
environnement peuplé de maisons colorées, l’endroit demeurait dangereux. La
forme sombre qui avait hanté ses rêves pendant son séjour dans la Maison de la
biologie pouvait très bien se retrouver sur son chemin. Il devait se montrer
prudent. Fait étrange, il n’avait pas peur. Il demeura figé, en état d’aller,
les sens affûtés à la
limite.
Dans
cet état de conscience avivée, il découvrait un autre élément de ses aptitudes.
Bien qu’il ne put ni voir ni entendre quoi que ce soit d’inhabituel, il sentait
une présence. Son âme ressentait un inconfort, un sentiment de danger et
d’avertissement. Pourtant…..
Rien.
Lentement,
il se retourna et poursuivit sa route, tournant sa tête de gauche à droite pour
mieux entendre tout bruit émis derrière lui, tâchant de percevoir quoi que ce
soit d’inusité. Tout en marchant, il s’interrogeait sur cette énigme. Qu’est-ce que ça pouvait bien être
? Sur cette terre si pleine d’amour et de découvertes spirituelles, comment
pouvait-on expliquer l’existence d’une entité si négative ? Pourquoi le
poursuivait-elle ? Pourquoi aucun des anges n’avait-il accepté d’en parler ? Un véritable mystère, mais Mike était
prévenu et ne laisserait pas cette sombre créature l’atteindre encore une fois.
Il restait alerte avec le sentiment de danger toujours présent.
Il
marcha jusqu’à une heure avancée de l’après-midi. Le crépuscule approchait et
il n’avait pas encore vu la prochaine maison. Il décida de ralentir le pas et,
se tournant pour mesurer le chemin parcouru, il sortit sa carte tout en
demeurant attentif aux bruits et aux mouvements autour de lui. Il fut soulagé
de constater que sa précieuse carte fonctionnait de nouveau et qu’elle était
« à jour ». Il repéra le VOUS ETES ICI et, tout près, la prochaine maison.
Elle était au détour suivant. Avec
un sourire de satisfaction, il replia sa carte et reprit sa route.
Le
voyage entre les deux maisons lui avait pris presque une journée. Il comprit
que les maisons étaient séparées par une distance suffisante pour exiger un
certain effort de la part du voyageur sans nécessiter toutefois une nuit en
plein air. Il en était ravi. Il sentait une fatigue légère et savait qu’elle
n’était pas simplement d’ordre physique. L’état d’alerte qu’il avait connu au
cours des dernières heures l’avait privé d’une partie de son énergie.
Dans
cette lumière mystérieuse où les choses semblant toutes emprunter la même
couleur, Mike aperçut la prochaine maison au détour du chemin. Elle baignait
dans cette lumière rouge et orange propre à la tombée du jour. La maison, de
style campagnard, rayonnait d’un pur violet, comme si la lueur environnante ne
l’atteignait nullement. Mike s’arrêta, ébahi. Il n’avait jamais vu de plus
magnifique teinte ! C’était un violet à la fois intense, serein et puissant. La
maison donnait l’impression d’une structure parfaitement translucide dont la
lumière luisait de l’intérieur. Il poursuivit sa route, se rappelant qu’un
arrêt prolongé n’était pas prudent, même s’il était tout près du but.
En
matière de beauté, Michaël était loin d’avoir tout vu encore ! Lorsque l’ange
qui serait son hôte ouvrit la porte, Mike ne parvint pas à prononcer une seule
parole. Il n’avait jamais rencontré d’aussi belle créature. Il pensa même à
s’agenouiller en signe de respect devant tant de beauté. Que se passait-il ? Sa
perception des couleurs avait-elle augmenté ? Il n’avait même jamais vu de couleur
pareille ! Il resta muet, tel un enfant qui aurait observé un coucher de soleil
pour la première fois, se demandant s’il s’agissait là de magie. Puis il
entendit sa voix, et quelle voix !
Des
profondeurs de la tranquillité se fit entendre une voix de velours qui apaisait
tout l’air ambiant qu’elle faisait vibrer. Et c’était indéniablement une voix
féminine !
- Salut à toi, Michaël Thomas de
l’Intention pure, dit la douce voix. Nous t’attendions.
Toujours
abasourdi, Mike n’arrivait pas à répondre. Il n’avait même pas une pensée à
offrir à l’ange ! Confondu, il prit conscience d’avoir cessé de respirer.
L’ange se mit à rire et ajouta :
- Je ne suis pas une femme, pas plus que
ne l’était Vert. Les anges portent tous les attributs du genre biologique
humain. Ma voix et mon apparence visent à rendre ton séjour ici plus
confortable.
Mike
ne comprenait rien de ce que lui disait Violette. Il avait retrouvé son
souffle, mais en savait toujours pas quoi dire. Les paroles qu’il réussit à prononcer
résonnèrent horriblement à ses oreilles.
- Quelle apparence ! Non seulement le
son, mais les paroles, étaient ridicules. Quelle stupidité à prononcer devant
une si belle entité ! Il revécut l’embarras qu’il avait connu, enfant, alors
qu’on attendait de lui, sans succès, qu’il dise des paroles sensées à un
adulte. Sa stupeur était en partie provoquée par l’être devant lui. Mike se
trouvait devant une créature angélique immense qui présentait toute la
délicatesse du genre féminin, mais sans aucune distinction physique par rapport
aux autres anges. Ils portaient tous ces mêmes vêtements flous de la couleur de
leur maison qui cachaient toute caractéristique propre au genre. Ils étaient
tous immenses, mais son visage… celui de Violette était indéniablement féminin.
Il avait la douceur du visage de sa grand-mère et de sa mère et s’apparentait à
la sainteté. Mike soupira avant d’essayer à nouveau de parler.
- Je m’excuse, Violette… il avait même
l’impression qu’il lui manquait de respect en l’appelant par ce nom de couleur…
trop familier. Il poursuivit : « Je ne m’attendais pas… enfin, je ne
savais pas que les anges pouvaient aussi être des femmes ». Il regretta
aussitôt d’avoir ouvert la bouche ! Quelle sottise ! Bien sûr, les anges
étaient des femmes. Chaque ange représenté dans des tableaux n’était-il pas une
femme ? Violette se tenait là, sans rien dire. Michaël reprit à nouveau :
- C’est que tous les autres avaient
l’apparence d’un homme. Mike aurait voulu effacer tout ça et recommencer encore
une fois.
Ses
capacités de communiquer et son éloquence avaient disparus. Il avait
complètement échoué à saluer cet ange de façon décente. Il soupira encore et
haussa les épaules. Violette lui souriait.
- Je comprends parfaitement, Michaël
Thomas.
Le
regard qu’elle lui jeta aurait pu faire fondre son armure. Il ne présentait
rien de romantique, mais bien plutôt un incroyable amour essentiellement
maternel. Voilà qui avait
dérouté Mike. Comme s’il revoyait sa mère ! Il avait l’impression d’être réuni
à sa famille disparue, se sentant à la fois heureux et incrédule. Il y avait si
longtemps qu’on ne l’avait pas regardé de cette façon. Il aurait voulu se faire
tout petit et être cajolé. Ses pensées l’embarrassèrent, car il savait que Violette
pouvait les percevoir. Elle poursuivit :
- Tu t’habitueras très vite, Michaël.
Mon apparence s’explique. Ce n’est pas ainsi pour tous les voyageurs, mais pour
toi, c’est différent.
Mike
comprit. L’apparence et l’attitude de Violette devaient le servir. Mais il se
demanda tout de même pourquoi il avait besoin de « voir » un ange
maternel.
- Parce que tu l’as mérité, dis sagement
Violette. Les événements d’ici ne servent pas toujours à l’enseignement.
Plusieurs constituent des présents orientés vers la croissance. Tu as visité
seulement trois maisons, et déjà, tu te démarques en tant que voyageur très
spécial.
Mike
saisissait le sens de ces paroles mais, avant qu’il ne trouve à répondre
au compliment, Violette lui
fit une demande qu’il n’était pas prêt d’oublier.
- Michaël Thomas de l’Intention pure,
dit-elle doucement, aurais-tu l’obligeance d’enlever tes chaussures ?
Mika
obéit. Il remarqua, près de la porte, un espace prêt à recevoir une paire de
chaussures et les plaça là. Elles se fondaient parfaitement au décor.
- Mike, sais-tu pourquoi je t’ai demandé
cela ? Michael réfléchit.
- Parce que je suis en terrain sacré à
l’intérieur ? Il se rappelait Moïse et le buisson ardent, et le dialogue de
cette histoire.
- Alors, pourquoi els autres n’ont-ils
pas eu la même exigence ? Mike continua à réfléchir et risqua une autre
réponse.
- Parce tu es un ange très spécial ?
Violette s’amusait et se mit à rire.
Perplexe,
Mike savait qu’il n’avait pas donné la bonne réponse.
- Allons, entre. Violette se retourna
pour pénétrer dans la maison. Mike la suivait mais s’inquiétait du manque
d’intimité de leur conversation. Il l’interpella une fois à l’intérieur.
- Violette, dis-moi, pourquoi m’as-tu
demandé de retirer mes chaussures ?
- C’est à toi de ME le dire, Michael,
avant de repartir.
Violette
le guidait dans la maison.
Mike
n’appréciait pas que les anges le fassent attendra avant de lui donner les
réponses, encore moins qu’on lui demande de les fournir lui-même. Trop
exigeant, se dit-il.
- C’est la raison pour laquelle tu es
ici, lui dit l’ange en continuant de le guider dans la maison violette. Encore
une fois, il eut honte de ses pensées.
La
maison n’avait aucun éclat, l’opposé de son hôtesse. Mike constata que son
ébahissement l’avait empêché de lire la pancarte à l’entrée.
- Violette, comment s’appelle la maison
? Le regardant fixement dans les yeux, elle lui dit :
- C’est la MAISON DES RESPONSABILITES, Michael Thomas. Elle attendait sa
réponse, un air inquisiteur sur son beau visage. Mike sut que des difficultés
l’attendaient !
Oh
! dit-il, tâchant de ne rien laisser paraître sur son visage. Il n’avait pas
donné à Violette la réponse qu’elle espérait. Elle se retourna et continuer la
visite. Le nom de la maison l’avait troublé. Il avait déjà imaginé le
déroulement de plusieurs types de scénarios sous son toit. Quel vilain mot que
la responsabilité ! Il lui rappelait ses parents le pressant de faire ceci ou
cela. C’était un terme qui s’accompagnait d’un jugement. Par la suite, il
l’entendit de la bouche des femmes qu’il fréquentait, toujours dans un esprit
critique à l’égard de ses actions. Pourquoi, se demanda-t-il, les femmes essayaient-elles
toujours de le « modeler » à leur goût. Il eut alors une pensée
terrible. Peut-être était-ce le rôle de Violette ? Une autre envoyée de Dieu
pour me changer. Et si Dieu était une femme ? Ce ne serait pas sérieux ! Puis,
il se prit à sourire devant ces pensées humaines si « viriles »,
sachant très bien qu’elles n’avaient aucun sens. Dieu n’était ni homme, ni
femme, mais le scénario qu’il imaginait l’amusait néanmoins. A quoi pouvait
bien servir la Maison des responsabilités ?
Violette
le guidait par une série de petites pièces vers une salle à manger.
- Qu’y-t-il ici ? demanda Mike alors qu’ils
passaient devant deux immenses portes.
- Un cinéma.
Un
cinéma ? Les réflexions de Mike se succédaient à un rythme fou pendant qu’il marchait
derrière Violette. Pourquoi une salle de cinéma dans une demeure d’ange ? Il eu
une autre pensée étrange. Peut-être préparait-on une séance de cinéma ? L’idée
d’assister à un film en compagnie de Violette l’amusait. Il se dit qu’ils
verraient sans doute un de ces films sur les anges très à la mode. Il faillit
en éclater de rire. Violette, percevant les
pensées de Mike, s’amusait aussi beaucoup mais pour d’autres motifs.
Enfin,
ils arrivèrent à destination. Les appartements de Michael et la salle à manger
ressemblaient encore une fois aux autres. Dans le placard, il trouva des
pantoufles et de magnifiques vêtements violets qui, de toute évidence, avaient
été créés pour lui. L’odeur de la nourriture chatouillait ses narines. Encore
une fois, on lui présenta un choix illimité d’aliments. Comment connaissait-on
le moment de son arrivée ? En fait, il n’avait jamais rencontré de personnel de
cuisine ou d’entretien ménager. Il se rappela le dégât que Vert et lui avaient
créé après leur danse et les traces de fruits sur ses pieds pendant des jours.
Ceux qui préparaient les plats savaient se déplacer sans se faire repérer, tels
des lutins. Quel endroit !
Mike
s’attendait à constater la disparition de Violette, comme avec les autres
anges. Mais, elle était toujours là.
- L’ensemble te convient-il Michael ?
Elle était vraiment magnifique. Mike était toujours sous le charme de ses
qualités maternelles.
- Oui, merci. Il avait presque envie de
s’incliner, en signe de respect.
- Nous commencerons demain matin. Bonne
nuit, Michaël Thomas de l’Intention pure. Sur ce, elle quitta la pièce.
Les
choses changeaient. Tout comme Vert était demeuré sur le palier au moment où
Mike avait quitté la Maison de la biologie, Violette avait quelque peu agit
différemment ici. Les anges devenaient-ils plus polis ? Commençaient-ils à
pratiquer l’étiquette des humains ? Mike constata la différence, mais décida de
ne pas commenter.
Il
mangea, se mit au lit et tomba immédiatement endormi. Il se sentait en sécurité,
au chand et aimé. Une autre aventure commencerait le lendemain et il savait que
l’enseignement de Violette ajouterait à ses connaissances. Il rêva
délicieusement de son enfance et de ses parents.
Aux
abords de la maison, la forme sombre et fuyante exerçait une surveillance
complète. Elle était à la fois aux aguets et en colère. Lorsque Mike avait
quitté la maison verte en route vers celle-ci, l’horrible créature avait été
estomaquée des transformations qu’il avait subies. Il avait acquis de la
puissance, sans compter ces armes stupides. La vigilance de Mike ressemblait à
celle d’un guerrier et il était sans peur ! Qu’avait-il bien pu se passer dans
la dernière maison pour qu’il change à ce point ? La silhouette verte bouillait
de colère à la pensée de l’occasion qu’elle avait ratée de le mettre au défi
durant la tempête.
Celle-ci
commença à élaborer un meilleur plan pour mettre l’être humain en boîte.
L’entité négative se dit d’abord que si Michael Thomas avait choisi de devenir
un guerrier insaisissable, il aurait dû emprunter un chemin plus discret et non
pas la route toute tracée comme il l’avait fait. Puis, elle réalisa que Mike
suivait toujours le parcours. Il ne pouvait faire autrement puisqu’il ne savait
pas où se trouvait la prochaine maison. La solution pour le piéger consistait
donc à prendre les devants et à attendre sa proie à un détour du chemin. Si
l’étrange créature avait pu sourire encore une fois, elle l’aurait fait. Sans
sommeil, l’horrible forme avait des visions de la chute imminente de Michael
Thomas de l’Intention pure.
Le
matin suivant ressemblait à tous les autres. La journée s’annonçait magnifique.
Le repas était splendide. Michael savoura un délicieux muffin aux bleuets, n’en
finissant pas de s’extasier sur la fraîcheur et la saveur qu’il y trouvait.
- Celui que j’ai déjà eu entre les
orteils ne goûtait pas si bon.
Il
rit en se revoyant danser avec Vert dans la salle à manger de la dernière
maison.
Tout
comme il finissait de revêtir ses nouveaux habits, on frappa à la porte. Tiens,
les anges frappent aux portes maintenant !
- Entrez, lança Mike d’une vois polie.
Violette semblait flotter et Mike lui sourit. Il faudra voir à remercier les
responsables de ce merveilleux petit déjeuner !
- Je t’en prie, dit Violette.
- C’est toi ?
- C’est nous tous. Nous ne formons
qu’un.
- Oui, on m’en a déjà informé. Un jour,
je comprendrai. D’ici là, je vous remercie tous.
- Es-tu prêt ?
- Oui, bien sûr.
Violette
le guida dans des endroits qu’ils avaient traversés la veille. Les deux grandes
portes étaient ouvertes, et Mike put entrer dans le cinéma aux teintes
violettes. Il s’arrêta, ébahi et incrédule. Il n’arrivait plus à bouger et
Violette ricanait.
Devant
eux, s’érigeait un écran géant. A l’arrière de la pièce, on pouvait voir un
projecteur des plus modernes et des tas de bobines de film empilées prêtes à la
projection. Il devait y en avoir des centaines !
- Eh bien, Michaël Thomas, nous allons
regarder des films, toi et moi !
- Pas possible ! C’est une blague
!
Devant
la réponse, Violette cessa de sourire et le regarda sérieusement.
- Oh non ! Absolument pas ! Vraiment pas
! Si tu veux bien prendre place dans la première rangée.
Violette
se dirigea vers l’arrière de la salle et mit l’équipement en branle. Mike
demeurait confus devant le paradoxe qu’il observait. Un ange qui actionne un
projecteur de cinéma. Ce n’est pas là un jouet de lieu sacré. Comme c’est
étrange ! Mais il obéit et s’installa au centre de la première rangée.
A
l’encontre des salles de cinéma qu’il connaissait, la première rangée se
trouvait au centre de la pièce. Il y avait un autre élément étrange ; le
fauteuil central de la première rangée était rembourré et velouté. Tous les
autres ne l’étaient pas, comme s’ils avaient été placés là pour créer un effet
seulement. Mike s’installa dans le fauteuil moelleux, devant l’écran géant.
- Alors, qu’allons-nous regarder
Violette ? Mike se sentait un peu nerveux.
- Du cinéma familial, lui répondit-elle,
trop occupée à préparer la première bobine pour se tourner vers lui. Mike
n’aimait vraiment pas le ton de la réponse.
Il
avait l’estomac noué. Encore cette sensation étrange. Décidément, son intuition
toute nouvelle faisait des heures supplémentaires, lui faisant savoir que ce
qui s’annonçait risquait de se révéler désagréable. Il pensa à blaguer ; et
demander du maïs soufflé peut-être ? Il n’en eut pas le temps. Les lumières se
tamisèrent, comme dans une vraie salle. Mike entendit le bruit du projecteur et
l’écran s’anima. Il eut le cœur serré dès la première image.
Le
premier film qu’il vit ce jour-là, comme tous ceux qui suivraient, était d’une
qualité impeccable ; aucun soubresaut, une image en trois dimensions, sans
avoir à porter de stupides lunettes ! le son provenait de l’endroit approprié
sur l’écran, même lorsque les personnages se déplaçaient. Mike souhaita
aussitôt que le film n’ait pas été si réel. Il était trop près. L’écran
circulaire lui donnait l’impression de faire partie de chacune des scènes. Il
aurait voulu reculer, mais il ne le pouvait pas.
Sur
l’écran, devant lui, il voyait Michaël Thomas ! S’il avait dû donner un titre
au film, il l’aurait intitulé « Les choses désagréables de ma vie ».
Le film débutait alors qu’il était enfant, et c’était là d’une réalité
désarmante. Sa mère avait l’air toute jeune et son père, tellement beau ! Tous
ces souvenirs l’émouvaient et ranimaient en lui de précieux moments. Il
revivait tout encore une fois ! Chaque épisode remplissait une bobine entière
et se déroulait en temps réel, comme les événements s’étaient vraiment passés,
à l’exception du fait qu’on ne lui montrait que les expériences
négatives.
Les
premières bobines étaient amusantes. On y voyait Mike, un petit garçon blond de
trois ans, qui jouait avec les produits de maquillage de sa mère. Il avait fait
tout un dégât dans la salle de bain et sa mère l’avait pris sur le fait. Elle
était en colère et lui administrait sa première fessée. En tant qu’adulte
revivant la scène, Mike fut étonné de la vividité de l’expéri0ince. Il revivait
les émotions rattachées à toutes tes séquences. Il craignait maintenant que ce
cinéma maison ne se transforme en film d’horreur lorsqu’il se verrait, plus âgé
sur l’écran. Mike avait l’impression qu’on l’avait attaché à une voie ferrée et
que le train approchait.
Il
revit d’autres scènes de son enfance, chacune lui rappelant un événement qu’il
avait oublié depuis longtemps. Il se revit dans la salle de bain à l’âge de six
ans, incapable de sortir. Il revécut l’émotion d’alors ; ce n’était pas sa
faute. La poignée était restée coincée, et on avait dû faire revenir son père
des champs pour qu’il démonte la porte ! Il était furieux, et Mike avait eu droit
à sa deuxième fessée. Il ressentait encore la trahison subie ce jour-là. Il n’avait pourtant rien
fait de mal, mais son père, en colère, l’avait frappé avec sa plus grosse
ceinture. Il avait perdu un temps précieux aux champs et prit du retard dans
les récoltes. En tant qu’adulte, Mike commençait à se sentir déprimé.
Il
regarda bien d’autres bobines encore. Subitement, il eut dix ans. Il devait
prendre l’autobus pour se rendre à l’école du village. Il revit Henry, le tyran
qui revenait le tourmenter à chaque semestre. Les autres semblaient aussi le
détester, mais ne faisaient rien contre lui. Ils avaient tous peur. Parce que
Mike venait de la ferme t d’un village au nom bizarre, les autres élèves
riaient de lui. Le tyran, par contre, était sans pitié. Des enfants de tous les
milieux fréquentaient l’école, mais ceux qui vivaient sur des fermes devenaient
de plus en plus rares. Mike portait des vêtements qui trahissaient ses origines
; c’était sa mère qui les cousait. Il se distinguait ainsi des autres, et le tyran
ne ratait pas une occasion de le lui rappeler. De concert avec les autres
écoliers, il se moquait des vêtements de Mike, de son odeur et même du mode de
vie de ses parents.
Mike
revit le jour où un groupe d’enfants l’avaient invité à se joindre à leurs
jeux. Il en était heureux. Ils voulaient jouer avec lui ! Mais, c’était un
piège. Au lieu d’être inclus dans leurs jeux, il devint la risée du groupe. Ils
le placèrent à un certain endroit pendant qu’un autre se mit à quatre pattes
derrière lui. Puis ils le firent tomber à la renverse, exactement sur l’autre
garçon à quatre pattes. Ils en riaient à gorge déployée. Mike rit aussi,
essayant d’être bon joueur, mais ils s’écartèrent de lui, le laissant seul.
C’était douloureux. La vue de ces images ne lui plaisait décidément pas. Ça
servait à quoi ? Il commençait à s’irriter de voir sa vie exposée ainsi et
surtout, d’avoir à la revivre de nouveau. Une fois ne suffisait-il pas ?
Dans
une autre bobine, il avait quatorze ans. Il se revit le jour où on l’avait accusé
d’avoir triché en classe alors que tel n’était pas le cas. Un élève s’était
emparé de documents appartenant au professeur et les avait remis sur son bureau
en désordre pour bien indiquer qu’ils avaient été consultés. Puis, il avait
faussement dénoncé Mike, affirmant l’avoir vu faire. L’enseignant l’avait cru.
Après tout, Mike était un enfant de fermier qui portait toujours des vêtements
étranges, bien qu’il ait de très bonnes notes en classe. On le renvoya chez
lui, et il fut exclu de la classe pour la journée. Dans l’autobus qui le
ramenait à la maison, il se demandait comment il allait expliquer la situation
à ses parents. Il se détendit un peu, sûr qu’ils le croiraient. Hélas, ce ne
fut pas le cas et Mike se sentit complètement abandonné sur cette terre. Il
savait que ses parents l’aimaient, mais il aurait voulu qu’ils lui accordent le
bénéfice du doute au moment où il en avait tant besoin. Il était anéanti par la
solitude.
Michael
était assis dans son fauteuil de cinéma depuis des heures, mais le Mike sur
l’écran n’avait pas encore terminé sa croissance. Il pensa au temps qu’il
allait encore s’écouler avant qu’il n’arrive à la fin de sa torture. Il lui
semblait avoir perdu toute trace de spiritualité. Il avait l’impression qu’on
le battait. Empreints d’une précision inouïe, les films ne lui laissaient pas
de répit. Il n’y manquait aucun détail, aucun élément ; les voix et les
personnages se révélaient tels qu’il les avait effectivement connus. Le
processus l’ébahissait, mais le sujet le désarmait !
Ses
premières fréquentations maintenant ! Embarrassant ! Il portait toujours ces
vêtements étranges, qui provenaient maintenant des magasins, mais sa mère
n’avait aucun sens de la mode et faisait des combinaisons pour le moins
étranges, sans parler de choix des tissus. Les filles, à l’école ou à l’église,
jugeaient Mike intéressant, mais il savait qu’elles se moquaient de ses
vêtements. Il avait honte ! Il ne mit pas longtemps après avoir surpris
quelques conversations à son sujet, à se décider à faire des économies et à
acheter ses propres vêtements. A partir de là, il sentit croître sa confiance,
car il avait un certain flair pour choisir ce qui lui allait. Il examina la
question et il décida d’aller faire ses chats en compagnie d’une fille ou deux
pour l’aider à mieux choisir.
Les
filles adoraient ça ! Imaginez ! un gars qui aime fréquenter les magasins ! Ce
fut le début d’une importante métamorphose. De l’adolescent mal fagoté qu’il
était, il devin un jeune homme attrayant et désirable, ce qui entraîna chez lui
un changement de sa personnalité. Il prit énormément d’assurance. Il réussit à
maintenir de bonnes notes et s’engageant activement dans plusieurs activité
parascolaires. Et puis un jour, la jalousie poussa quelqu’un à mener contre lui
une campagne de dénigrement, ce qui lui fit perdre le poste de président qu’il
convoitait. La rumeur circula qu’on l’avait surpris à faire des obscénités dans
les toilettes des filles. Tout le monde avait envie d’y croire ; c’était à la
fois une nouvelle à sensation et… complètement faux.
Il
était le favori aux électrons puisqu’il avait occupé la présidence à plusieurs
reprises mais la rumeur l’emporta et Mike subit une énorme perte. Du même coup,
il perdit l’affection de sa première petite amie,, Carole. Elle refusa dès lors
de lui adresser la parole. Sa peine le rongea pendant des semaines et il laissa
tomber toutes ses fonctions à l’école. Il était victime, encore une fois. Et il
revoyait tout, étape par étape, sur l’écran devant lui. L’événement s’étira,
toujours en temps réel, découvrant chaque parcelle de cet incident malheureux.
Il en sortit changé, et le poids pesait encore sur lui pendant qui’ le
revivait.
Le
cinéma se poursuivit. On ne lui offrit pas de repas du midi. En effet, l’entité
qui actionnait le projecteur savait que Mike n’aurait pas d’appétit. Elle avait
raison. A chaque fin de bobine, on entendait le bruit du ruban frappant le
métal, et la noirceur tombait sur la pièce. Puis, il y avait un silence
étrange, rompu seulement par le bruit des engrenages de la bobine et des
interrupteurs du projecteur. Ni Mike ni Violette ne prononçaient une seule
parole. Puis, l’écran s’animait de nouveau des pires images de la vie de Mike !
Il savait, alors que les projections avançaient dans le temps, que l’événement
majeur serait bientôt devant lui. Puis, il le vit… le jour de l’accident mortel
de ses parents.
Michael
savait très bien qu’il n’avait pas à demeurer dans son fauteuil s’il ne le
voulait pas. Tous les anges l’avaient entretenu de son libre choix. Il aurait
voulu fuir, et dans son esprit, il formulait des pensées qu’il souhaitait
transmettre à tous les anges. Dieu, s’il te plaît, ne me faits pas vivre tout
ça encore une fois. Ça suffit ! Mais, il revit toute la scène, convaincu qu’un
camion lui roulait sur le corps.
Mike
ne flancha ni ne pleura dans son fauteuil. Il attendrait à plus tard. Il resta
la, impassible, regardant le théâtre de sa vie se dérouler devant lui en temps
réel. Il revécut l’appel téléphonique, le choc, les funérailles, la douleur et
la peine, la vente de la maison, de la grange et des terres ; la vente de
l’équipement de la ferme, y compris celle du vieux tracteur. Il revit le triage
qu’il fit des effets personnes de ses parents, les photos des jours meilleurs,
leurs photos de mariage et même les lettres d’amour qu’ils s’écrivaient durant
leurs fréquentations. Mike resta immobile, essayant de ne pas revivre toutes
ces émotions. Il força son esprit à les refouler, mais se sentit victime dans
son fauteuil. Il sentit les convulsions involontaires de la douleur qui
surgissaient par vagues dans son corps. Il brûlait de l’envie de laisser sortir
sa peine en pleurant. La présentation était en tous points semblables à la
réalité. C’était la chose la plus cruelle qu’on lui eut jamais imposée. Tout ce
qu’il voyait depuis des heures avait fait de lui l’objet d’une mauvaise blague.
Et maintenant,…on le poursuivait jusque dans cette pièce pour le punir. Il
jugeait la situation injuste et se demandait à quoi elle pouvait bien
servir.
Il
respira de soulagement lorsque l’épisode du décès prit fin. Il ne pouvait rien
imaginer de pire. Il était en sueur, épuisé et se sentait diminué. Le sujet
était d’envergure et il ne pouvait détacher ses yeux de l’écran tellement la
réalité était prenante.
Lorsqu’il
vit « Criquet », de son véritable prénom, Shirley, il sut encore une
fois ce qui l’attendait. L’incident qu’il allait revoir correspondait à la fin
de son histoire d’amour à Los Angeles et à la rapidité avec laquelle la
situation s’était détériorée. Il s’était jeté dans cette aventure à corps perdu
alors que Criquet avait pris la chose avec une telle légèreté. Cela n’avait pas
été une aventure mortelle, mais cela aurait pu l’être. En tout cas, cela avait
été la mort dans son cœur, très certainement. Mike essaya encore une fois de
s’endurcir pendant que la scène se déroulait devant lui. Qu’elle était belle !
Une voix inoubliable ! L’événement était encore tout frais et avait d’ailleurs
été à l’origine de sa récente dépression, de son manque de confiance et du
statu quo quant à son emploi minable. Devant lui s’étalaient en fait les scènes
du deuxième grand malheur de sa vie. Puis le film lui montra son lieu de
travail, des images de son patron maniant habilement la violence verbale et
l’espace restreint dans lequel il avait accepté de travailler à Los
Angeles.
La
séance prit fin à seize heures. Les dernières scènes se déroulaient dans son
appartement, lorsqu’il avait été attaqué puis transport à l’hôpital. Puis,
l’écran redevint vierge et il entendit le bruit du ruban signalant la fin d’une
autre bobine. Le bruit continuait, mais la salle restait dans le noir. Mike se
leva et, plaçant ses mains en forme de visière au-dessus de ses yeux, se
retourna en direction de la lumière crue du projecteur pour essayer de voir
Violette. Elle n’était pas là. La conclusion du film marquait sûrement la fin
de la leçon d’aujourd’hui, et, comme dans le fils, Mike se retrouvait
seul.
La
fin du ruban continuait de frapper la bobine de métal et Mike sortit de la
salle pour se diriger vers ses appartements. Il n’avait toujours pas faim. Il
était déprimé. On avait agité ses émotions jusqu’à la moelle et il se mit
immédiatement au lit, sans se dévêtir. Violette ne vint jamais lui souhaiter
une bonne nuit. Il appréciait son tact, car il n’avait absolument pas envie de
parler. Cette nuit-là, il continua à voir les films dans ses rêves. Il revit le
tyran de ses jeunes années, ses parents et Criquet. Décidément, ils ne le
quittaient plus : n’en pouvant plus, il se laissa finalement aller, pleurant à
chaudes larmes. Le fait d’avoir revu ses parents, tellement vivants, renforça
sa peine. C’était la deuxième fois, depuis son arrivée sur cette terre sacrée,
bénie et angélique, que Michael se sentait complètement seul et dans une
noirceur totale, une véritable victime de la vie. Et maintenant, les scènes de
film l’avaient prouvé !
Le
lendemain matin, Mike se sentit un peu reposé, mais resta songeur. Et il avait
faim. Il ne se fit pas prier pour engouffrer un copieux petit déjeuner. La
menace de la veille passait encore sur lui mais il avait l’impression que le
pire était derrière lui. Il se sentait fort et même s’il ne comprenait pas
encore l’utilité de tout cela, il était déterminé à ne pas se laisser glisser à
nouveau dans la noirceur et la dépression. Aujourd’hui, il ne pouvait arriver
que quelque chose de mieux.
Après
le petit déjeuner, Mike s’habilla. Comme par magie, on lui avait laissé de
nouveaux vêtements violets, pour remplacer ceux dans lesquels il avait dormi.
Lorsqu’il fut prêt, Violette se montra dans l’entrebâillement de la porte, sans
dire un mot. On aurait dit qu’elle voulait lui offrir un moment pour s’exprimer
et se « vider le cœur » ou simplement l’occasion de lui reprocher
l’expérience douloureuse vécue la veille. Mike était conscient de sa présence.
Elle le surveilla pendant quelques instants et finalement s’adressa à
lui.
- Michael Thomas de l’Intention pure,
as-tu quelque choses à dire ?
- Oui. Y a-t-il d’autres films ?
- Oui, répondit doucement
Violette.
- Bon, alors, allons-y ! dit Mike,
attendant qu’elle bouge. Violette était surprise. Dans cette maison,
l’expérience des anges avec les humains n’avait jamais été telle. Vert avait
raison. Ils avaient affaire à un être à part. il réussirait peut-être. Il ferait
peut-être partie des rares élus. Elle n’avait jamais vu tant de détermination
et un changement si rapide. Elle se sentait privilégiée de prendre part à sa
formation et ressentit un grand amour pour lui. Elle se retourna et se dirigea
vers la salle de cinéma.
Mike
connaissait la routine. Il s’installa dans son imposant fauteuil violet et bien
rembourré de la première rangée, tel un prisonnier sur sa chaise électrique,
attendant le courant ou plutôt, dans son cas, la fermeture des lumières et le
début de la projection. Il était plus résolu que jamais. Rien ne l’empêcherait
d’atteindre son but. RIEN !
Encore
une fois, sa vie se déroula devant lui, depuis son enfance. Mais il comprit
aussitôt que cette fois, ce serait différent. Le sujet avait changé. Le titre
aurait pu être « Les mauvaises actions de ma vie ». Les épisodes de
l’enfance étaient amusants, et Mike rit de bon cœur à plusieurs reprises. Il
était bon de rire, même s’il avait encore les côtes endolories de ses pleurs de
la nuit précédente. Au fur et à mesure que le temps s’écoulait, certaines des
choses qu’il revoyait commençaient à l’embarrasser. Violette les connaissait
sûrement toutes et il ne tenait pas à les revivre. Plus le temps passait, plus
il se faisait petit dans son fauteuil. En fait, il se sentait de plus en plus
mal à l’aise.
Il
avait dix ans et se trouvait dans l’église. Il s’amusait à faire circuler les
dessins obscènes qu’il avait conçus avec ses petits copains. Ils les glissaient
dans les enveloppes de l’église, puis dans la corbeille qui circulait parmi les
fidèles pour recueillir les dons de la semaine. Ensemble, ils riaient en
imaginant l’expression des dames patronnesses qui dépouillaient les enveloppes
de la quête pour compter les fonds. Vraiment, ils s’amusaient beaucoup !
A
l’âge de douze ans, Mike s’était faufilé dans la cour et avait fait démarrer le
tracteur de son père pendant que ses parents étaient à l’église. Il avait feint
d’être malade pour rester à la maison. Le tracteur démarra sans problème, mais
Mike ne savait pas comment le faire avancer. Il essaya chaque manette et chaque
pédale, de plus en plus frustré>. Il ne comprenait pas le fonctionnement de
la pédale d’embrayage et pensait que, comme pour la voiture familiale, une
pédale servait à avancer et une autre à arrêter. Il entendit plusieurs bruits
étranges et, bien sûr, il brisa le mécanisme d’embrayage. Lorsque son père
découvrit le problème, il demanda à Mike de lui dire la vérité.
- Mike, as-tu essayé de démarrer et de
faire avancer le tracteur ?
- Mais non, voyons !
Mike
eut aussitôt honte et se sentait encore honteux aujourd’hui. Son père savait la
vérité ; Mike le voyait dans ses yeux. Ce jour-là, Mike comprit ce que
signifiait rompre l’unité familiale. Le sentiment était affreux et l’avait
poursuivi toute sa vie. La facture de réparation faramineuse avait fait prendre
conscience à Mike de sa stupidité et les avait tous contraints à se priver de
nourriture décente pendant plusieurs semaines. Chaque fois qu’ils se mettaient
à table, Mike dégustait le résultat de son geste. Il lui fallait en plus le
revivre en couleurs et en trois dimensions ! Il ne fit menu dans son fauteuil.
Quelle vraisemblance !
En
grandissant, Mike devint plus fort. A l’époque, les élèves se suivaient d’une
école à l’autre tant et aussi longtemps que leurs parents respectifs habitaient
au même endroit. C’est ainsi que le tyran Henry et Mike continuèrent de
fréquenter les mêmes écoles. S’il menait le bal au primaire, il en fut
autrement au secondaire. Il ne dépassait plus les autres d’une tête comme
autrefois et les règles du jeune devinrent plus équilibrées. Henry ne
réussissait pas bien en classe et il obtint difficilement son diplôme. Michael
profita de chaque occasion qui s’offrait de lui rendre la vie impossible. Il se
servit de sa taille et de sa popularité pour l’intimider, l’injurier ou le
menacer.
Au
cours des premières années du secondaire, il se servit de son pouvoir de
président pour l’exclure de tout ce qui pouvait être bon. Il utilisa habilement
son influence pour éloigner l’ancien tyran d’événements agréables, comme la
remise des diplômes et de domaines où il excellait. Mike agissait toujours sans
demander l’avis de personne et se réjouissait de chaque occasion qui s’offrait
de ruiner ses années au secondaire. Même si Henry savait ce qui se tramais, il
n’y pouvait rien. Il fut éventuellement en mesure de se venger, mais Mike n’en
sut rien avant de se retrouver dans on fauteuil violet pour avoir toute la
situation se dérouler devant lui. C’était Henry qui lui avait fait perdre son
poste de président : c’était lui qui avait lancé les rumeurs qui l’avaient
empêché de conserver son poste.
Plus
tard, Mike avait appris que Henry avait mal tourné et qu’il s’était retrouvé en
prison. Il s’était souvent demandé si les choses se seraient passées autrement si Henry
savait pu faire tranquillement son chemin durant ses années de secondaire. Mike
avait honte de ce qu’il avait fait et se voyait de nouveau confronté à ses
actions passées.
Il
se trouvait vraiment stupide. Le film montrant ses mauvais coups était plutôt
long, et l’aspect immoral ressortait avec le temps. Michael avait peut-être
même détruit toutes les chances d’un homme. Il se sentait tout à fait nul mais
continua de regarder l’écran. A cours de sa dernière année au secondaire, il
avait triché à un examen. Sa moyenne générale était bonne, mais sa note était
faible en histoire des Etats-Unis. Il en imputait la faute à un professeur
ennuyant et réussit, en utilisant la clé conservée d’un ex-président de classe,
à se procurer une copie de l’examen. Il estimait que c’était une douce
vengeance puisqu’on l’avait injustement accusé et puni quelques années
auparavant. A son esprit, son geste était tout à fait justifié. Mais la
situation se gâta. Le sort voulut que l’enseignant remarque immédiatement le
progrès subit de Mike et l’accuse du geste qu’il avait commis. Mike, mettant à
profit sa forte personnalité et s’appuyant sur ses bonnes notes dans les autres
matières et sur sa réputation, dénonça le professeur à l’administration. Ce
dernier vit inscrire à son
dossier une remarque qui ruina sans doute la progression de sa carrière; Mike
n’en avait jamais eu conscience avant de s’installer dans le fauteuil moelleux
de la salle violette.
Oh
! Quelle horreur ! Etre victime de la vie est déjà difficile mais se regarder
mentir et tricher est horrible. Mike ne désirait plus voir ces images et aurait
souhaité qu’on y mette fin. Son vœu se réalisa. Il n’y avait pas d’incidents
intéressants à observer à l’âge adulte. Toute sa vie avait été chavirée par le
décès de ses parents. Il avait mûri rapidement, et une intégrité ferme s’était
développée en lui. Il portait fièrement le nom de sa famille, et le travail
ardu de ses parents lui servait de modèle. Il soupira d’aise lorsqu’il entendit
encore une fois le bruit de la pellicule sur la bobine indiquant la fin du
film. Cette fois, le projecteur s’arrêta et les lumières revinrent
graduellement. Violette s’approcha près de lui.
- Michael, voudrais-tu me suivre ?
Sans
dire un mot, Mike obéit en se tirant lourdement du fauteuil où il avait passé
tant d’heures. Il espérait ne plus jamais le revoir et détesta cet endroit où
on lui avait déroulé le film de sa vie. En sortant, il jeta un coup d’œil au
projecteur, s’attendant à voir
tous les films qu’on lui avait montré depuis les deux derniers jours, mais
l’endroit était propre et dégagé.
Violette
était l’entité la plus prévenante qu’il ait rencontrée. Elle n’était pas pour
autant meilleur que Bleu, Orange ou Vert, mais elle était différente. Chaque
ange avait manifesté des qualités que Mike avait appréciées. Violette dégageait
de la bienveillance et de l’affabilité. Mike aurait voulu s’installer dans la
maison violette pour y vivre sous cette tutelle parentale apaisante. C’était
merveilleux d’écouter sa conversation. Tout était si facile quand elle était
là. Ce sentiment était familier à Mike ; il réalisa que c’était le sentiment
d’être un enfant sans responsabilité. Il était donc normal qu’il l’ait
rencontrée dans la Maison des responsabilités. Elle représentait un parent, et
Mike sentait comme un petit enfant, dégagé à la vie.
Violette
le guida vers une grande pièce. On aurait pu croire que c’était une salle de
conférences, mais on n’y trouvait que deux fauteuils. Il y avait un tableau
d’affichage sur un des murs et plusieurs symboles et graphiques sur les
autres.
Dans
les premières maisons, les anges ne s’étaient jamais assis si longtemps.
Puisqu’ils ne se fatiguaient pas et n’avaient pas besoin de dormir, ils
n’avaient pas besoin non plus de s’asseoir comme les humains. Ils le faisaient
uniquement pour les mettre à l’aise, comme maintenant. Violette avait pris
place devant Michaël.
- Michael Thomas de l’Intention pure,
comment te sens-tu ?
Elle
avait entamé la conversation par une question qui permettrait à Mike d’exprimer
ses émotions au sujet du dernier jour de projection, ce qu’il fit, y ajoutant
une pensée qui avait accaparé son esprit au cours de la soirée
précédente.
- Ma chère Violette – Mike l’aimait
vraiment beaucoup – je sais que tu ne peux intentionnellement blesser un humain
; je sais que ta conscience angélique ne te permet pas de causer de la douleur,
de la souffrance, du doute ou de la peur. Mais en me montrant ces films, tu as
produit tout cela et je suppose qu’il y a une explication. Comment je me sens
?
Mike
s’arrêta un peu pour réfléchir, car il voulait exprimer ses émotions des
derniers jours, le plus honnêtement possible.
- Agressé, dit-il, horrible, attaqué,
triste de mes propres échecs, coupable de mes actions, en colère contre ceux
qui m’ont assailli, dévasté par la peine produite par des circonstances
indépendantes da ma volonté, abattu, tourné vers l’intérieur.
Mike
ouvrait totalement son cœur à l’Ange Violette. Il le faisait sans trop
d’émotions puisqu’il le savait toutes exprimées la nuit précédente. Il essayait
de décrie ce qu’il ressentait à Violette. Les mots vinrent d’abord aisément,
puis il commença à répéter. Violette le laissa tout de même poursuivre. Le
processus de libération était en cours. Michaël s’était exprimé, s’était plaint
de plaint encore. Il ne demanda jamais pourquoi on lui avait montré ces films.
Intuitivement, il savait que Violette allait répondre à cette question… et il
avait raison.
Quand
il eut fini, il eut soif. Il but l’eau qu’on avait laissée à sa portée et
indiqua par un geste de la main qu’il avait terminé. Violette se redressa et
commença son enseignement.
- Michaël, lui dit-elle en le regardant
droit dans les yeux avec une intensité dont l’origine devait être divine, il en
était certains.
« En
tant qu’humain préparant son retour chez lui, c’est la dernière fois que tu
ressens quelque chose du genre ». Elle le laissa réfléchir quelques
instants et se leva pour se diriger vers un mur en apparence tout blanc. Elle
déroula un parchemin fixé à l’extrémité du mur, près du plafond, ce qui rappela
à Mike les cartes géographiques fixées aux murs des classes au-dessus des
tableaux noirs. Le parchemin portait les mêmes étranges caractères de style
arabe déjà vus dans la Maison des cartes. Il ne parvenait pas à les lire.
- mon rôle consiste à t’expliquer
que toi, ainsi que tous ceux qui se sont retrouvés dans ta vie, avez soigneusement planifié ce
que tu as vu se dérouler sur l’écran du « cinéma de la vie » au cours
des deux derniers jours. Mike écoutait attentivement, sans vraiment comprendre
comment c’était possible.
- Planifié ?
- Oui.
- C’est impossible. Il y avait des
accidents, des coïncidences, des faits divers, plusieurs facteurs dus au
hasard.
- Tu as tout planifié avec les
autres.
- Mais, comment ?
- Michaël Thomas tu sais déjà que tu es
une entité éternelle. Tu es ici pour obtenir l’autorisation et la formation
nécessaires pour rentrer chez toi, pour retourner sur cette terre sacré où tu
crois trouver des réponses, la paix, un sens à ta vie, selon ta propre
définition des choses. Ce que tu ne sais pas encore, c’est que tu as fait en tant qu’humain sur la terre
plusieurs séjours. Cette fois, tu es Michael Thomas.
Mike
avait déjà entendu parler des vies antérieures, et une personne de confiance
qui confirmait encore cette notion qu’l accepta avec émerveillement. Violette
continua.
- Lorsque tu n’es pas sur la terre, tu
planifies les leçons de ta prochaine vie, car tu es le seul à connaître tes
besoins. En collaboration avec les autres, tu prépares tes leçons de vie.
Certains acceptent de te mettre au défi. D’autres consentent à être le sable de
ton huitre pendant des années ! D’autres encore acceptent d’être plus près de
toi et certains même mourront pour t’aider à réaliser tes besoins et les leurs.
Cela fait partie de leur contrat ! Ebahi par cette information, Mike demanda
:
- Mes parents, savaient-ils ?
- Vous le saviez TOUS, Michael, et c’est
le plus grand présent que tu aies reçu de toute ta vie. Les yeux de Violette
laissaient voir une compassion comme Mike n’en avait jamais vu. Elle le
connaissait à un tel point § Elle était prête à tout lui expliquer s’attendait
à de fortes émotions et pouvait répondre à toutes ses questions. Elle était
formidable.
- C’est assez complexe, vois-tu Michael.
Chaque incarnation humaine est reliée aux autres. Des contrats sont établis
avant ton arrivée, prévoyant ta puissance d’apprentissage et de croissance. Tu
es l’épine de quelqu’un d’autre et une perle d’une valeur inestimable. Ce que
tu appelles accident ou coïncidence est soigneusement planifié.
- C’est la prédestination ?
- Non, tu choisis tout. Le chemin est
tracé et tu peux décider de le suivre ou non. Tu peux même en créer un nouveau
si tu le désires. C’est d’ailleurs exactement ce que tu es en train de faire.
Lorsque tu as exprimé l’intention d’emprunter ce chemin, tu as balancé le
contrat que tu avais conclu avec les autres. Tu es allé au-delà des événements
planifiés pour l’apprentissage de tes leçons et tu as plutôt choisi la mine
d’or. Maintenant, tu as une véritable vision d’ensemble de toute la
situation.
- Mais pourquoi les films, alors ?
- Pour que tu puisses revoir chaque
détail de ta vie qui te semble négatif et comprendre que tu as participé à sa
création. Tu as pris part à sa planification et u l’as accomplie selon un plan
établi>. En d’autres termes, tu es responsable de tout.
Mike
était étonné par toutes ces idées. Il n’en comprenait pas encore le
mécanisme
- Et si j’avais voulu tout changer ?
Pourquoi ai-je chois des expériences si difficiles et si tragiques ? Violette
était prête à répondre.
- Lorsque tu n’es pas ici, Michaël, tu
possèdes l’esprit de Dieu. Tu n’en es pas conscient maintenant, mais c’est
ainsi. La mort et les circonstances émotives sont de l’énergie vers Dieu. Tu es
éternel, et les allées et venues des humains sont destinées à des objectifs
beaucoup plus élevés que tu ne le crois, un but que tu comprendras un jour
quand tu prendras ma forme. Pour l’instant, qu’il te suffise de savoir que ce
que tu appelles tragédie, malgré toute l’horreur que tu y perçois dans ton état
d’esprit actuel, peut être le catalyseur d’un changement planétaire, d’une
augmentation de la vibration et d’un présent au-delà de toute imagination.
C’est la vision d’ensemble qui compte, et non pas l’événement réel. Malgré la
confusion qui peut s’en dégager pour l’instant, c’est ainsi. Violette arrêta
quelques instants pour permettre à Mike de réfléchir. Puis, elle reprit.
- Pour ce qui est de changer les
événements, c’est un choix que tu as toujours eu, mais qui est caché à la
plupart des humains. C’est le test de la vie, Michaël. Tu pourrais regarder la
situation de cette façon : lorsque tu quitteras la maison, tu auras tendance à
suivre la route. C’est la solution la plus naturelle. C’est facile et tu n’as
pas à penser à ta direction. Le chemin est là et t’indique la voie ; alors,
pourquoi ne pas le suivre ? Mais, en vérité, sur la terre des sept maisons, le
chemin mène toujours dans la même direction, ondulant légèrement. Voilà
pourquoi, tu pourrais atteindre la maison suivante sans doute plus rapidement
si tu te dirigeais dans sa direction, sans emprunter le chemin. Tu pourrais
même découvrir des merveilles sur ta route, hors des sentiers battus. Le chemin
ondule mais conduit toujours dans la même direction, vers l’avenir. La plupart
des humains restent sur la route, ne réalisant jamais qu’ils peuvent la quitter s’ils
le désirent. C’est lorsqu’ils font autrement que tout change pour eux, surtout
leur avenir. Ils commencent en fait à s’écrie un nouveau futur dès qu’ils
expriment l’intention e quitter la voie. Ils trouvent la paix lorsqu’ils
parviennent à mieux maîtriser leur vie. Ils découvrent leur but. Certains passent
même par ici ! Violette avait un sourire entendu.
- Et la Maison des responsabilités ?
interrogea Michael.
- C’est ici que tu apprends que TOI,
Michaël Thomas de l’Intention pure est directement responsable de tout ce qui
constitue ta vie. La tristesse, la peine, les présumés accidents, les pertes,
ce que les autres t’on fait, la douleur et, oui, même la mort. Tu savais
qu’elle serait là, tu l’avais planifiée avec les autres et tu as joué le jeu
jusqu’à maintenant.
- Dans quel but ?
- Dans un but d’amour, Michael. L’amour
le plus élevé. Tu connaîtras le plan d’ensemble au moment opportun. Pour
l’instant, tu dois saisir que tout est important et fait partie d’un amour que
tu connais déjà et auquel tu participes dès à présent. Les apparences sont
parfois trompeuses.
Les
mots résonnaient aux oreilles de Michael. Les apparences sont parfois
trompeuses. C’était les paroles du premier ange, celui de la vision qui avait
suivi le vol. Puis les autres les avaient aussi prononcées. L’esprit de Mike se
récitait ces nouveaux concepts. Puis, il se rappela les paroles de Bleu dans la
Maison des cartes. Ce sont les contrats de tous les êtres humains de la
planète. Dans les petites cavités que Bleu gérait, et il y en avait des millions,
se trouvaient les plans éventuels de toute l’humanité, établis par les
individus eux-mêmes et prêts à être altérés par ceux qui le souhaitaient.
La
vérité du message frappa soudain Mike comme une masse. Si seulement il avait su
ça lorsqu’il était jeune. Il aurait tellement mieux compris la vie. Il aurait
pu changer son futur. Il aurait pu trouver la paix. Les décès, les amours
perdus, la dépression, quels éléments d’espoir et de sagesse ils auraient pu
constituer ! la pensée du choix lui permettant de modifier sa vie
l’éblouissait. Violette avait raison. Mike avait suivi le chemin de sa vie sans
broncher, permettant à tout ce qu’il avait planifié de se produire. Il avait du
mal à saisir cette notion de planification. Elle le rendait responsable de tout
ce qui s’était passé. Il se retrouvait devant une perspective totalement
différente. Ça lui aurait été si utile ! Sa vie aurait été complètement
différente. Aucun membre de l’église ne lui avait appris une chose pareille. Il
aimait Dieu et il avait toujours accepté le caractère sacré de sa demeure, mais
on lui avait toujours
appris qu’il était un mouton qui suivait un berger. Aucun enseignant spirituel
ne lui avait dit qu’il avait tant de pouvoir.
- Violette, s’il en est ainsi, pourquoi
ne m’a-t-il pas appris ça à l’église ?
- L’église n’enseigne pas tout sur Dieu,
Michael. Il arrive même qu’on t’y apprenne
beaucoup de choses sur les humains et sur ce qu’ils pensent de Dieu. Violette
ne portait pas de jugement et ne critiquait pas les humains ; elle rapportait
simplement les faits.
- L’église a-t-elle eu tort ?
- Michal, la vérité est la vérité, et tu
en trouveras des parties dans l’ensemble de tous les systèmes spirituels. Tu es
hautement respecté pour ta recherche de la vérité à propos de Dieu. L’amour,
les miracles et le mécanisme du fonctionnement des choses sont tous présents à
un certain degré dans ton lieu de dévotion. Voilà pourquoi tu y ressentais l’esprit de
Dieu. L’esprit honore la quête, même en présence d’une connaissance partielle.
N’oublie pas que ton existence véritable t’est inconnue même maintenant, au
moment où tu entends la vérité. Ton église et toutes les quêtes spirituelles de
ta planète sont grandement respectées parce qu’elles représentent la recherche
de Dieu et de la vérité spirituelle. Mais il est triste que les humains
exercent un contrôle sur cette quête et l’empêchent de se développer en la
limitant et en maintenant ceux qu’ils dirigent dans la peur.
Le
mérite se trouve dans la recherche et non dans la découverte. Le caractère
sacré de la planète réside donc chez celui ou celle qui foule son sol et non
dans ses édifices aux nombreux clochers. Violette s’approcha du parchemin
qu’elle avait déroulé. « Tu penses que tes Saintes Ecritures sont sacrées.
Regarde bien ceci, dit-elle en lui indiquant l’écriture cryptique du papier. Ce
sont les dossiers akashiques de l’humanité. Ils contiennent les dossiers de
toutes les vies et des contrats potentiels ». Elle fit une pause pour
marquer son respect. « Michal, ce sont là les écrits les plus sacrés de
l’univers et ils ont été écrits et réalisés par ceux qui ont décidé d’être des
humains ».
Elle
le regarda fixement, ce qu’elle n’avait pas fait depuis quelque temps. Il
saisissait le message. Tout à coup, il se rendit compte qu’elle avait adopté
une attitude respect à son égard, de respect spirituel. Le renversement des
rôles le mettait mal à l’aise. Il voulait en apprendre plus et elle répondait à
sa demande.
Les
jours qui suivirent dans la Maison des responsabilités s’écoulèrent dans la
découverte de messages profonds sur l’humanité et la vie. Non seulement Mike en
apprit-il davantage sur ce qu’il était, mais il sut qui il avait été. Toutes
les pièces du casse-tête s’imbriquaient les uns dans les autres. Violette lui
fit voir les dossiers et les contrats de ses parents et d’autres qui avaient
traversé sa vie. Tout ce qui lui était transmis était parfaitement approprié et
il ne vit rien qui aurait pu changer son avenir. Toutefois, une image beaucoup
plus étendue de sa vie commençait à prendre forme. Le détail le plus
impressionnant ? Que les humains sont en fait des parties de Dieu qui errent
sur la planète sans le savoir, ce qui leur permet de transformer les caractéristiques
spirituelles et la vibration de la terre même ! Violette faisait constamment
référence aux humains comme à des personnages haut placés. Les humains étaient
des entités qui devaient changer le fondement même de la réalité sur une très
vaste échelle ; et tout tournait autour des leçons apprises sur la terre,
leçons qu’ils avaient planifiées ensemble !
Puis,
il fut temps de repartir. Mike se sentait une nouvelle créature. Sa
connaissance du déroulement des choses avait décuplé. Il avait tout assimilé et
sentait qu’on l’avait induit en vérité. Au moment où il revêtait son armure
pour entreprendre le voyage qui le mènerait à la prochaine maison, il entendit
les paroles d’Orange résonner à ses oreilles. L’épée de la vérité, le bouclier
de la connaissance, l’armure de la sagesse. Les éléments s’assemblaient pour
former un tout spirituel serré. Il comprenait que les armes présentaient un
caractère cérémonial et un but. Les paroles lui étaient répétées, expliquées et
il parvenait finalement à les comprendre.
Violette
raccompagna Mike au seuil de la porte.
- Michael Thomas de l’Intention pure, tu
me manqueras.
- Violette, j’ai l’impression de quitter
la maison et non d’être en route pour m’y rendre. Mike se sentait près d’elle
et elle était devenue en quelque sorte un membre de la famille. Jusqu’à
présent, il avait rencontré trois anges frères et, maintenant un ange mère !
Qu’est-ce qui m’attend maintenant ?
- D’autres membres de la famille, lui
dit Violette, saisissant ses pensées.
A
la porte, Mike retrouva ses chaussures où il les avait déposées. Il se rappela
aussi qu’on n’avait pas répondu à sa question sur ce point. Il regarda tour à
tour ses chaussures et Violette.
- Encore une chose, dit-il, souhaitant
savoir pourquoi on lui avait demandé de les enlever.
- Oui, Michaël, je n’ai pas oublié. Mais
tu peux me répondre maintenant. Elle souriait, attendant patiemment la réponse.
Mike le savait, mais hésitait à la verbaliser. C’était tellement grandiose,
tellement flatteur !
- Dis-le Michaël. Violette reprenait son
rôle d’enseignante.
- Parce que l’humain est sacré. Et parce
que dans cette maison, les humains foulent une vibration plus élevée.
Visiblement
émue, Violette répondit :
- Je n’aurais pu espérer de meilleure
réponse, Michael Thomas de l’Intention pure. C’est en réalité la présence de
l’humain et non celle de l’ange qui rend cette place sacrée. Michael, tu es
vraiment un être humain extraordinaire. Je rends hommage au Dieu en toi. J’ai
une question à te poser. Mike connaissait la question, mais permit tout de même
à Violette de la poser.
- Mickael, est-ce que tu aimes Dieu
?
- Oui, Violette, j’aime Dieu.
Il
était sur le point d’éclater. Il ne craignait pas de montrer ses émotions à
Violette. Il était triste de quitter l’endroit où il avait retrouvé l’énergie
qu’il croyait avoir perdue à tout jamais à la mort de ses parents. Il se
retourna et descendit quelques marches, et puis se retourna encore.
- Tu me manqueras, mais tu resteras dans
mon cœur.
Il
se lança sur le chemin qui le mènerait à la prochaine maison et se retourna une
fois de plus pour ajouter une dernière chose à l’ange qui le regardait
s’éloigner.
- Regarde Violette !
Dans
un style théâtral et avec des mouvements d’enfant, Michal Thomas quitta le
chemin tracé dans un grand envol et s’aventura dans la plaine luxuriante. Il se
retourna et s’écria :
- Regarde, j’ai décidé de tracer mon
propre chemin ! Il riait et sautait et continua ainsi jusqu’à ce qu’i ne puisse
plus apercevoir la maison violette.
Violette
demeura sur le seuil jusqu’à ce qu’il disparaisse. Telle un mère, elle était
remplie de fierté. Puis elle rentra et referma la porte. Elle reprit sa forme
naturelle, qui n’était pas humaine, mais tout de même magnifique et s’adressa
aux autres.
- Si c’est là un spécimen de la nouvelle
génération d’humains, toute une étape spirituelle nous attend !
Sur
le sentier, quelques mètres plus loin, une créature horrible attendait. La
forme répugnante avait soigneusement préparé son piège et elle était convaincue
que Michaël Thomas ne pourrait soupçonner ce piège. L’entité négative savait
que Mike avait quitté la maison et avait repris sa route. Elle le sentait et
était ravie !
Il
ne faudra pas longtemps, maintenant. Alors que Michael Thomas me croira
derrière lui, je l’attaquerai par devant. Il ne saura pas ce qui se passe !
Elle s’amusait de l’astuce qu’elle avait réussi à imaginer dans cette terre de
rêve. A tout instant maintenant….
L’horrible
forme attendit longtemps. Michael Thomas avait quitté le sentier.
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